Ici l’ombre… les champignons parlent aux Humains…
CHAMPIGNONS ET MYCORHIZES
Michaël METZ
5/26/2025


L’intelligence des mycorhizes, entre résistance souterraine et renaissance du vivant
Une voix venue du sol
« Ici l’ombre… les champignons parlent aux Humains… »
Comme un murmure souterrain répondant à l’appel du 18 juin, une autre forme de résistance se tisse sous nos pieds. Elle n’a ni armes, ni mots. Mais elle a la mémoire du monde et la patience des saisons.
Depuis des centaines de millions d’années, les champignons œuvrent dans le silence du sol. Ils relient, soignent, reconstruisent. Ils incarnent une intelligence collective, sans ego, sans bruit.
Alors que nos sociétés traversent des bouleversements écologiques majeurs, cette intelligence fongique pourrait bien être l’un des rares modèles viables d’un avenir habitable.
Les mycorhizes : racines de l’interdépendance
Les mycorhizes sont des associations symbiotiques entre des champignons et les racines des plantes. Plus de 90 % des espèces végétales terrestres dépendent de ces relations pour exister, se nourrir, se développer, survivre.
Le champignon capte l’eau, les minéraux, et les transmet à la plante. Celle-ci lui offre en retour les sucres issus de la photosynthèse. Mais leur coopération va plus loin : elle permet la transmission de signaux chimiques, d’alertes, de nutriments entre les plantes. C’est une diplomatie végétale orchestrée par le vivant.
« Les champignons nous enseignent une leçon de coopération radicale », écrit le biologiste Merlin Sheldrake. Ils sont à la fois médiateurs, guérisseurs et bâtisseurs.
Une autre forme d’intelligence
Loin de nos conceptions centralisées de la pensée, les champignons incarnent une intelligence distribuée. Ils n’ont ni cerveau ni système nerveux, et pourtant ils perçoivent, analysent, décident. Ils communiquent.
Ils savent optimiser leurs réseaux, anticiper la rareté, adapter leur croissance. Ils expérimentent en permanence, tout en maintenant l’équilibre du milieu.
Paul Stamets, mycologue et militant écologique, affirme :
« Les champignons sont les pionniers de la résilience. Ils transforment la mort en vie, le chaos en renouveau. »
« Ce que nous appelons intelligence chez les champignons ressemble à une forme de cognition distribuée, où le traitement de l’information est intégré au tissu même du vivant. »
— Merlin Sheldrake, biologiste, auteur de "Entangled Life"
Dans leur manière d’habiter le monde, il y a une leçon politique : celle d’une puissance sans domination, d’une présence sans bruit, d’une action sans spectacle.
Résistance organique : ce que le sol nous enseigne
Le mycélium est un tissu de résistance. Il relie ce que notre modernité a fragmenté. Il recoud les plaies des sols lessivés, déforestés, bétonnés. Il transforme les pollutions en ressources. Il restaure ce qui a été détruit.
Et il le fait sans revendication, sans bruit. Il agit, simplement, selon les lois profondes de la vie.
« La mycorhize, c’est l’art du lien », disait un agronome lors d’un colloque sur la fertilité des sols. « C’est le contraire du productivisme : c’est l’abondance par la relation. »
Dans un monde qui valorise la vitesse, la croissance et la séparation, les champignons incarnent une contre-culture vivante, humble et souterraine.
Renaissance fongique : un avenir enraciné
Depuis quelques années, les champignons sortent de l’ombre. Ils deviennent source de biomatériaux, d’alternatives alimentaires, de médicaments, de pratiques agricoles régénératives.
Mais leur retour n’est pas qu’industriel : il est aussi symbolique. Il signe peut-être une réconciliation entre l’humain et le vivant. Une volonté de renouer avec le sol, les rythmes, les alliances.
Ce n’est pas une mode. C’est un basculement. Une redécouverte.
« Ce que nous avons appelé nature est un réseau de relations. Et les champignons sont les gardiens de ces liens. » Cette phrase, prononcée dans un documentaire de la BBC (“le monde fascinant des champignons”), résume le cœur de cette renaissance : l’interdépendance.
Appel aux vivants
Alors écoutons les signaux faibles. Écoutons les sols. Écoutons les champignons.
Ils ne promettent pas la croissance. Ils offrent la continuité.
Ils ne cherchent pas à dominer. Ils relient.
Ils ne hurlent pas. Ils murmurent.
Et ce murmure, aujourd’hui, vaut toutes les alertes. Car il est encore temps.
Il est encore temps de protéger les sols vivants. De restaurer les mycorhizes. De soutenir les paysans qui cultivent avec le vivant. D’apprendre à coopérer au lieu de dominer.
Ce n’est pas une utopie. C’est une question de survie.
Sources et références
Merlin Sheldrake – Entangled Life (Jamais seul) – https://www.merlinsheldrake.com/entangled-life
Paul Stamets – travaux et conférences – https://paulstamets.com
Scientific American – Plants Talk to Each Other Using an Internet of Fungus – https://www.scientificamerican.com/article/plant-communication-through-fungi/
National Geographic – The World Beneath Your Feet Is Getting Weirder – https://www.nationalgeographic.com/science/article/fungi-communication-mycelium-wood-wide-web
BBC Earth – The Fascinating World of Fungi – https://www.bbcearth.com/news/the-fascinating-world-of-fungi
INRAE – Recherches sur les symbioses mycorhiziennes – https://www.inrae.fr
