qualité de vie dans les hôpitaux : à l'écoute des lieux, des soignants, et des patients ?

Mike

11/14/202510 min read

person wearing orange and white silicone band
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2025 : année de la santé mentale ? Parlons-en. Encore.
Je suis secouriste en santé mentale, directement concerné, après des étapes de vie tumultueuses.
Et un point concerne tout le monde : le bruit.


La qualité de vie - qu'on appelle QVCT dans le monde pro - est désormais partout : dans les plans de sociétés (entreprises et associations), les réunions, les affiches, les rapports. Et en trame de fond, c'est le sujet de la santé mentale qui me et nous préoccupe.

Les lieux de soins -hôpitaux et cabinets médicaux- ne coupent pas à ce sujet. C'est même une priorité, dont l'Etat s'est emparé en 2025.
Comment bien prendre soi des autres, si on ne prend pas soin de soi ?

Dans les couloirs, les chambres, aux postes de soins, en examens, ce que les professionnels de santé et les patients décrivent, c’est :

  • des journées très denses et bruyantes,

  • du stress et de l'inconnu,

  • un esprit qui reste en alerte même après être rentré chez soi,

  • des temps de repos qui ressemblent plus à un changement de rythme qu’à un vrai repos.

En arrière-plan, presque tout le temps, un paysage sonore continu : alarmes multiples, portes qui claquent, chariots vieux instables qui grincent, conversations sans respect de la vie privée, téléphones pros et persos dans les services et les couloirs, machines, situations d'urgence, visites en continu...

On finit par ne plus y faire attention… jusqu’au moment où l’on se rend compte à quel point cela pèse.

Je parle d'expérience personnelle en tant que patient, et en tant que professionnel quand j'étais dans les ventes agricoles et alimentaires à la ferme ou en boutique.

Le bruit est au centre du sujet.

Je vous propose une vision simple dans ce premier article d'une série sur la qualité de vie :

prendre un temps pour regarder la qualité de vie à l’hôpital à travers le prisme des sons, et voir comment une démarche structurée - douce, progressive, et humaine - peut aider à mieux vivre le travail et les soins au quotidien.

Ralentir un instant : comment se vit une journée par et avec le son ?

Imaginez une journée de travail perçue par les oreilles :

  • le réveil très tôt, déjà avec des pensées pour la journée à venir,

  • l’arrivée dans un lieu ou un service animé dès le matin,

  • le mélange de voix, d’appels, d’alarmes, de bips, de pas pressés,

  • des moments d'urgences,

  • les moments forts de la journée, rarement dans le silence,

  • les pauses parfois prises dans des salles où le bruit reste fort,

  • le retour chez soi avec encore, en mémoire, certains sons de la journée.

Chacun vit cela différemment.

Pour certains, ce fond sonore est presque un compagnon.

Pour d’autres, il devient, petit à petit, une source de fatigue profonde.

J'ai choisi une autre expérience personnellement : je vis à la campagne au calme, et mon bureau est aussi au calme avec une vue sur un paysage relativement serein et végétal.

La QVCT, appliquée à cette réalité-là, peut commencer par une question très simple :

Comment j’habite, comment nous habitons, ce paysage sonore ?

grayscale photo of womans face
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Pourquoi le son est un bon point d’entrée pour parler QVCT ?

Il y a de nombreuses portes d’entrée pour la qualité de vie, et la QVCT : l’organisation, le management, les plannings, les locaux, les trajectoires professionnelles, les histoires personnelles…

Le son a une particularité intéressante :

  • il est concret : tout le monde peut en parler à partir de son expérience ;

  • il touche à la fois les corps (fatigue, tension, agitation) et les émotions (irritation, apaisement, sentiment d’être accueilli et compris ou non) ;

  • il concerne tout le monde dans l’établissement : soignants, personnels médico-techniques, administratifs, logistique, patients, familles et proches.

Travailler sur le paysage sonore, ce n’est pas mettre de la musique partout.

C’est plutôt se poser des questions comme :

  • Quels sons soutiennent l’attention, le calme, la présence ?

  • Quels sons tirent l’énergie vers le bas ?

  • Où aurait-on besoin de plus de silence, où aurait-on besoin de sons plus doux ?

  • À quels moments de la journée un geste sonore simple pourrait aider à récupérer ?

Rien que le fait de poser ces questions ouvre déjà un espace de QVCT :

on reconnaît que ce qui est perçu et ressenti par toutes et tous cela compte.

a head with a pair of headphones on top of it
a head with a pair of headphones on top of it

La méthode SMARTIES comme point de repère ?

La méthode SMARTIES : ce ne sont pas des bonbons à donner aux salariés pour les occuper.
C'est une approche simple et méthodique : Spécifique, Mesurable, Assignable, Réaliste, Temporelle, Inclusive, Equitable, Soutenable. Elle est présentée sous sa forme historique (SMART) comme un outil pour les gestionnaires, les administrateurs, les managers.

Dans le contexte de la QVCT, elle peut devenir une forme plus résiliente : un point de repère structurant qui permet de clarifier ce que l’on souhaite vraiment faire vivre et faire évoluer.

Plutôt que des phrases générales comme :

  • Améliorer la qualité de vie au travail

  • Réduire le stress

on peut aussi se demander :

  • De quoi aimerions-nous pouvoir témoigner dans 6 mois ?

  • Qu’est-ce qui nous ferait dire : Oui, quelque chose a vraiment changé ?

SMARTIES ne sert pas à pressuriser les équipes avec des objectifs de plus.

De mon point de vue -dans la direction des actions quotidiennes- cela aide à :

  • poser des intentions simples et concrètes,

  • se donner le droit à l’expérimentation,

  • repérer ce qui fait du bien aux équipes, et le renforcer.

Par exemple, au lieu de dire "il faut que ce soit plus calme la nuit", on peut plutôt dire :

"Dans ce service, nous avons envie et besoin que les nuits soient perçues comme plus paisibles, par les soignants comme par les patients.

D’ici quelques mois, nous aimerions pouvoir affirmer fièrement que le bruit nocturne a réellement diminué et que cela se ressent dans les retours de chacun."

On pourra ensuite affiner, mesurer, ajuster.

L’important est surtout de partir d’une intention partagée, plutôt que d’un slogan.

Le son ne suffit pas : il fait partie d’un ensemble vivant

Dire cela est essentiel :

Les ambiances sonores, à elles seules, ne transforment pas la QVCT.

Les ambiances sonores peuvent :

  • soulager,

  • ouvrir des respirations,

  • rendre certains lieux plus accueillants,

  • donner des repères apaisants dans la journée,

Et elles ont besoin d’être entourées d'un contexte plus puissant.

Un accompagnement régulier

Une action unique, même bien pensée, a peu de chance de modifier durablement le vécu au travail.

Ce qui change vraiment la donne, c’est la capacité à :

  • écouter tous les avis, et les ressentis,

  • communiquer en groupe,

  • coopérer et s'ouvrir aux échanges entre professionnels,

  • revenir régulièrement sur les expérimentations,

  • écouter les retours,

  • ajuster, enlever ce qui gêne, renforcer ce qui aide,

  • oser dire quand une piste ne tient pas ses promesses.

Cet accompagnement peut prendre des formes simples :

  • un temps consacré au sujet en réunion d’équipe,

  • une rencontre régulière avec la direction ou l'équipe QVCT,

  • un point semestriel qui fait le lien entre ce qui a été essayé et ce qui est ressenti.

Soutenir les équipes, à tous les niveaux

Les dispositifs sonores ne fonctionnent pas tout seuls. Seuls, ils sont un sparadrap sur une jambe de bois.

Ils prennent sens et toute leur utilité quand :

  • les équipes de terrain peuvent se les approprier, les utiliser à leur manière,

  • les cadres et la direction les reconnaissent comme des enjeux sérieux, pas comme une décoration,

  • les services supports (technique, informatique, logistique…) sont associés.

L’idée est simple : le son devient un soutien au travail, pas une couche de plus à gérer.

Mesurer et raconter ce qui évolue

Sans mesure, on ne sait pas si l’on avance. Sans récit, les équipes ne voient pas le chemin parcouru.

Mesurer, ici, ne rime pas nécessairement avec tableurs complexes.

Cela peut être :

  • quelques questions régulières sur le ressenti : bruit, calme, repos, récupération,

  • des retours écrits courts,

  • des témoignages recueillis lors de temps d’échange.

Raconter, c’est ensuite :

  • partager ce qui a été dit,

  • expliquer ce qui a été testé,

  • montrer ce qui a changé, même légèrement.

Ce va-et-vient permanent entre écouter - agir - observer - raconter est au cœur d’une démarche de qualité de vie (QVCT) active et vivante.

people sitting at the table
people sitting at the table

La parole libre et la coopération : le cœur battant de la démarche

Quand on parle de qualité de vie au travail, il y a une question qui revient toujours :

"Les personnes qui font le travail peuvent-elles vraiment parler de leur travail tranquillement ?"

Sans espaces où les paroles circulent librement, sans coopération réelle, même les plus belles initiatives finissent par rester en surface.

La communication interne comme soutien, pas comme outil

La communication interne, libre, notamment sur les sujets de la QVCT et des ambiances sonores, prend tout son sens lorsqu’elle :

  • explique le pourquoi : ce qu’on cherche à soutenir, ce qu’on espère améliorer ;

  • montre le comment : avec qui cela a été co-construit, comment cela va être suivi ;

  • reste ouverte : on peut dire que quelque chose dérange, que telle ambiance ne convient pas, que tel horaire n’est pas adapté, que telles conditions ne sont pas utiles ou salutaires pour les équipes soignantes ou les patients.

On transforme alors la communication de campagne en une série de conversations.

La coopération entre personnes

Une démarche QVCT, par exemple autour du son, gagne à rassembler :

  • les soignants de différents métiers,

  • les équipes médico-techniques,

  • les services administratifs et logistiques,

  • la QVCT / RH / Direction,

  • parfois même des représentants de patients.

Ce mélange de points de vue entre personnes permet :

  • de voir des problématiques qui échappent à certains,

  • d’éviter d’imposer une solution qui convient à un métier mais complique la vie des autres,

  • de faire du paysage sonore un sujet partagé, qui appartient à tous.

Parfois, la coopération commence simplement par une phrase :

"Parlons ensemble de ce qui, dans les sons du quotidien, vous aide… et de ce qui vous fatigue."

Rien que cette ouverture change déjà un peu la manière de vivre la QVCT, de créer des ponts entre services, d'ouvrir les entraides entre personnes au sein d'une même entreprise, et de créer de la valeur humaine forte.

Quelques pistes concrètes, à prendre comme invitations

Plutôt qu’une liste de consignes, voici quelques pistes à adapter à la réalité de chaque établissement.

Un temps de pause pour écouter… vraiment

Proposer à une équipe volontaire :

  • un temps d’atelier où l’on se concentre sur une journée vue par les retours d'expérience et par le son,

  • un échange où chacun peut citer les lieux, les ambiances, les sons, les personnes qui soutiennent, et ceux qui pèsent,

  • un repérage des moments où une respiration, une pause, visuelle ou sonore, serait bienvenue (début de poste, fin de poste, pause, temps de transitions).

Une petite expérimentation, sur un seul lieu

Choisir un endroit précis :

  • salle de repos,

  • bureau de transmissions,

  • petite salle d’attente,

et y tester, par exemple :

  • une ambiance plus calme (réduction des sources sonores inutiles, réorganisation de certains flux),

  • des capsules audio de récupération faciles à lancer,

  • ou un design sonore léger : sons naturels, paysages sonores doux, temps de silence volontairement préservé.

L’idée n’est pas de tout changer, l'intérêt est de sentir ce que cela produit dans la vie de l’équipe.

Un groupe pilote QVCT & sons ?

Réunir quelques personnes motivées parmi les soignants de terrain, des cadres, l'équipe QVCT, la direction, des personnels techniques, et leur confier une mission claire :

  • observer,

  • proposer deux ou trois actions raisonnables,

  • recueillir les retours,

  • revenir partager ce qui en ressort.

Ce groupe peut devenir un lieu où l’on prend soin de soi et du sujet, au fil des mois.


La place possible d’un partenaire externe

Certaines équipes ont envie ou besoin d’être accompagnées dans cette démarche :

  • pour concevoir des ambiances sonores adaptées aux lieux de soins,

  • pour structurer les étapes : audit, avis, écoute, expérimentation, ajustements,

  • pour aider à formuler des objectifs clairs et des indicateurs simples.

Un partenaire expert, avec un pied dans le monde du son et un autre dans l’accompagnement humain et numérique, peut alors :

  • être un support à l'équipe QVCT et auditer

  • proposer des outils en complément des changements au sein de l'entreprise : capsules audio d'accueil des patients, dispositifs d’ambiance acoustique, soutien aux soins par la musique,

  • soutenir le pilotage et la communication,

  • aider à relier ces actions à une stratégie QVCT plus large, propre à chaque établissement.

L’idée n’est pas de déporter la QVCT à l’extérieur, et plutôt de renforcer la capacité de l’interne à faire vivre ces sujets.

Faire de la place à ce qui se vit vraiment

La QVCT à l’hôpital ou en cabinet médical ne se limite pas à cocher des cases.

Elle parle de la manière dont chacun peut habiter son travail, jour après jour, dans un environnement exigeant.

Le son est l’un des fils possibles pour entrer dans cette réalité : il nous ramène au corps, au rythme, à la fatigue, aux moments de respirations.

En choisissant de :

  • prendre le temps d’écouter ce qui se joue dans le paysage visuel et sonore du quotidien,

  • utiliser des repères comme SMARTIES pour clarifier nos intentions sans rigidifier le processus,

  • accompagner les équipes dans la durée,

  • permettre à toutes et tous de communiquer et échanger librement,

  • ré-ouvrir des espaces où la coopération redevient possible,

on transforme peu à peu la QVCT en expérience vécue, plutôt qu’en concept.

La question qui peut rester, à la fin de cette lecture, est simple :

Quel serait, pour vous, le tout premier geste à faire vers l'autre, dans votre service, pour que le son contribue un peu plus positivement à la qualité de vie au travail ?

Si cet article peut déjà donner envie de poser cette question - et d’y répondre ensemble - il aura rempli sa fonction.